Né le 25 juin 1813 à Bar-sur-Ornain, devenu Bar-le-Duc, Pierre Michaux s’installe après un tour de France à Paris où il ouvrira vers 1858 un atelier de serrurerie pour voitures au 29, avenue Montaigne, précisément au 7, passage Godot-de-Mauroy (renommé en 1881 rue du Boccador), dans le quartier des Champs-Elysées.
Mais d’où vient ce nom ? Empruntée au latin, l’expression les champs élysées est issue de la mythologie grecque, êlusia pedia signifiant « les plaines où (les morts) viennent ». Elle désignait le séjour des bienheureux aux enfers. Devenue synonyme d’endroit délicieux, l’expression a été reprise à Paris en 1709 pour désigner la promenade plantée d’ormes qui remplaça un terrain marécageux entre la Seine et le faubourg Saint-Honoré. Puis l’endroit, qui sera appelé « quartier des Champs-Élysées », commença à s’urbaniser : au XIX e siècle, il devint un lieu de loisirs, mais aussi un centre artisanal avec de nombreux ateliers liés à la charronnerie et la mécanique. Dans les années 1860, c’est ce quartier béni des dieux par son nom qui sera le berceau du vélocipède grâce aux familles Michaux et Olivier.


C’est en effet dans ce quartier que, dans les années 1860, Pierre Michaux posa, avec son fils Ernest (né à Saint-Brieuc le 29 août 1842), une paire de pédales sur la draisienne du chapelier Brunel qui habitait au 42 rue de Verneuil. Selon Gaston Biot, camarade d’enfance d’Ernest : « … après plusieurs essais le long de l’avenue Montaigne, il [Ernest] finit par marcher ainsi sans toucher les pieds à terre et m’invita le dimanche suivant à en faire autant, à quoi je parvins après pas mal de difficultés … ».
Ainsi, le vélocipède a été lancé dans l’avenue portant le nom du célèbre philosophe qui achève ses Essais ainsi : « Et au plus eslevé throne du monde [NDLR même celui d’une petite reine], si ne sommes nous assis, que sus nostre cul. Les plus belles vies, sont à mon gré celles, qui se rangent au modelle commun et humain avec ordre : mais sans miracle, sans extravagance. » (Les Essais, Livre III, Chapitre 13). Et cette pensée vient d’un passionné d’équitation dont les propos qui suivent pourraient être ceux d’un cyclotouriste contemporain:
Me si fata meis paterentur ducere vitam,
Auspiciis, (1)
je choisirois à la passer le cul sur la selle :
visere gestiens,
Qua parte debacchentur ignes,
Qua nebulæ pluviique rores (2).
Essais, Livre III, chap. 9 (p.398, Ed. Seuil, 1967)
(1) Si les destins me laissaient conduire ma vie sous mes propres auspices (Virgile, Enéide)
(2) Exultant de voir ces pays au climat de feu, et ceux tout humides de pluies et de frimas (Horace, Odes)

Renouant avec la période où le vélocipède était apprécié de la classe huppée, un des deux palaces parisiens, le Plaza Athénée, situé au coin de l’avenue Montaigne et de la rue du Boccador où étaient les ateliers Michaux, avait mis à la disposition de sa clientèle des bicyclettes, et ce bien avant le lancement du Vélib’.

Les deux plateaux de la balance en équilibre, symbole de la difficulté de juger, sont-ils prémonitoires des deux roues du vélocipède lancé avenue Montaigne et du difficile équilibre du bicycliste ?
Aidé de ses enfants, Pierre Michaux se lança ensuite dans la production de vélocipèdes et ses affaires devinrent florissantes car il acheta le bâtiment du 7, passage Godot-de-Mauroy en 1863, puis loua le 5, qu’il achètera aussi en 1868. Bien qu’il ne fut pas exposé à l’Exposition Universelle de 1867, le vélocipède Michaux était bien connu des Parisiens. Il créa un nouvel atelier au 19 rue Jean-Goujon, communiquant avec la maison du 27, pour répondre à la demande croissante.
Le 7 mai 1868, il fonda la société Michaux et Cie avec les trois frères Olivier qui détiendront 76% du capital donnant droit à 69% es bénéfices. Pierre est chargé de la production et la surveillance de la soixantaine d’ouvriers. On agrandit les ateliers du 27 rue Jean Goujon avec des machines spéciales créées par de La Bouglise. Les livraisons atteignirent douze vélocipèdes par jour.
Mais la mésentente s’installa entre les associés et la société fut dissoute le 6 avril 1869. Le 10, fut formée la société Olivier frères pour l’exploitation de la société « Michaux et Cie ». Pierre Michaux leur céda tous les actifs contre 150 000 francs.
Puis il fit ensuite preuve d’imprudence en fondant le 15 juin 1869 la société Michaux Père et Cie. Les frères Olivier portèrent plainte pour concurrence déloyale contre Pierre Michaux qui fut condamné le 11 octobre suivant par le tribunal. Sa société fit faillite.

La Chatte Blanche était une féérie de 20 tableaux ayant eu un succès considérable.
Blanche d’Antigny y joua à Lyon le rôle de Pierrette

Pierre Michaux mourut dans la misère le 9 janvier 1883 à l’hospice de Bicêtre, après ses fils Edmond, décédé le 1er mai 1880 à 32 ans, et Ernest, décédé veuf le 19 janvier 1882 à l’hôpital Laënnec à Paris. Si le lieu où a été enterré le père est inconnu, le fils a été inhumé le 21 janvier au Cimetière parisien d’Ivry dans une tranchée gratuite reprise au bout de cinq ans par l’administration. La famille n’ayant pas pris de concession, les restes du de cujus ont été transférés à l’ossuaire. Le choix de ce cimetière s’explique par le fait que les malades décédés dans les hôpitaux parisiens, initialement inhumés à Montparnasse, le furent à Ivry en 1861, date de sa création, après l’extension de la ville en 1860.
Pierre Michaux, qui a eu dix enfants, aurait-il encore des descendants aujourd’hui ? La vie de plusieurs d’entre eux est évoquée par la presse ou les recherches de Keizo Kobayashi :
Ernest, qui était né le 29 août 1842 à Saint-Brieuc puis s’était marié le 15 juin 1867 à Paris avec Marie-Rosalie Enault, a eu deux filles : Jeanne Prudence, morte à un an, Marie-Louise née le 14 avril 1868 et orpheline à 14 ans : nous ignorons ce qu’elle est devenue.
Henry et Francisque fondèrent vers 1894 la société Cycles H. Michaux et Cie installée à Saint-Cloud. La société sera présente pour la fête organisée pour l’érection du monument Michaux de Bar-le-Duc le 30 septembre 1894. Henry décédera à 56 ans le 2 octobre 1900 à Paris (XVIIe). Une souscription fut lancée par le TCF « pour le dernier descendant de l’auteur de la pédale » en décembre 1928 (Revue du TCF p. 296). Il s’agissait de Francisque Michaux, réduit à la misère. Le dernier Michaux mourut le 25 janvier 1938 à 79 ans.
Auparavant, une souscription avait été ouverte par l’Union Vélocipédique de France en 1913 pour les filles de Pierre Michaux : Marie-Louise, née 20 septembre 1849 à Bar, et Élise, le 24 juin 1851 à Commercy, qui étaient dans la misère. Si cette dernière mourut célibataire en 1927 à Paris, Maria-Louise décéda le 4 octobre 1928 à l’hôpital Necker veuve de Hippolyte-Jacques Colvin. En 1913, l’aînée Maria née en 1841 n’est pas citée.
Aussi, il est peu probable que l’artisan barrois ait une descendance ; mais qui sait ?