D’où vient le terme vélocipède qui donnera vélo par abréviation ?
Ce nom est attesté pour la première fois dans la demande de brevet déposé le 19 janvier 1818 à Paris déposée par M. Dineur pour le baron badois Drais : « brevet d’importation de 5 ans pour une machine appelée vélocipède par Louis‑Joseph Dineur, quai de l’Horloge, no 47, à Paris, pour et au nom de M. le baron Drais, domicilié à Mannheim». Vélocipède a été inventé pour traduire le terme allemand die Laufmaschine, « lamachine à courir ». L’avis de publication de ce brevet a été publié dans le Bulletin des lois de la Royaune de France, Tome 6 le 17 février suivant (p.279). En ligne ici

Le véhicule inventé par Drais est appelé aujourd’hui par les historiens draisienne afin d’éviter tout ambigüité avec le terme vélocipède qui est dorénavant réservé à la draisienne munie de pédales.
Le néologisme vélocipède a été probablement forgé en s’inspirant de vélocifère, voiture parisienne qui était d’usage courant à partir de 1803 et pendant la Restauration. Un dépôt de brevet avait été aussi accordé à Paris en 1817 pour un autre véhicule hippomobile, le célérifère. Ces noms ont pu donner l’idée au baron Drais ou à un intermédiaire de forger vélocipède. Ces trois noms ont été parfois employés l’un pour l’autre après le succès du vélocipède à pédales, ce qui entraînera des confusions. Mais vélocifère et célérifère ne furent pas à l’origine des noms de cycles. Et l’emploi fautif de vélocipède avec le sens de voiture lui a permis de figurer dans la base des mots-fantômes de l’ATILF.

Vélocipède est formé de deux racines latines : véloce issue de l’adjectif latin velox, -cis signifiant « rapide, vif, agile » (déjà employé dans vélocifère formé avec -fère, porter) et –pède, issu du latin pedis, le pied, avec le joncteur « i » employé régulièrement pour les racines latines. Vélocipède doit au second élément pedis son genre masculin, lequel ne serait pas dû au hasard. Si le neutre, qui avait des déclinaisons spéciales, représentait l’inanimé dans les langues indo-Européennes, le classement entre masculin et le féminin pour des objets suivait des critères étrangers à notre conception : par exemple, « le pied élément mâle foulait la route élément femelle », affirme Ferdinand Brunot. Le pied chez les Romains était d’abord l’organe de la marche.
Le vélocipède avec le sens de draisienne à pédales est attesté pour la première fois dans un article paru dans Le Journal de l’Ain du 6 avril 1866, page 2c (Source : La Vélocithèque, dossier N°46). En ligne ici.
Sauf pour le véhicule historique, l’emploi du terme vélocipède, trop long, a rapidement disparu, à l’exception du vocabulaire administratif : créé par la loi du 1893, l’impôt sur les vélocipèdes ne sera définitivement abandonné que par un arrêté ministériel du 30 décembre 1958.

Arsène Darmesteter a écrit : « vélocipède veut dire qui a les pieds rapides, et ne peut s’appliquer par suite qu’au cavalier. Celui qui monte le vélocifère est un vélocipède. Pède, d’ailleurs, dans ces sortes de composition, désigne l’individu : bipède, quadrupède … » Vélocipède est d’ailleurs la seule formation française en –pède étrangère au vocabulaire botanique et zoologique ; en outre, le sémantisme -pède dans vélocipède n’est pas « à pieds », mais « par les pieds », comme le signale Éva Buchi dans la nouvelle notice consacrée à vélocipède écrite en 2006 pour corriger celle initiale mais figée du Trésor de la Langue Française informatisé du CNRS (1992).
Ces particularités sont en faveur de l’hypothèse d’une formation étrangère de ce terme, Drais ou du traducteur suisse de son brevet.